Ce n’est pas dans un musée que je l’ai rencontrée, c’est sur internet. Elle m’a interpellée parmi toutes les autres. Je l’ai prise d’abord pour une statue grecque classique, une déesse au corps drapé comme on en croise souvent, mais celle-ci avait quelque chose de différent. Pourquoi cette statue m’a-t-elle arrêtée, celle-ci et pas une autre ?
Sa pose je crois... Pas antique du tout cette façon de regarder le monde ; debout, accoudée nonchalamment sur une petite colonne, bien campée sur une jambe, l’autre croisée devant la première en appui sur les orteils, le dos de la main contre la hanche.
Pas très raffiné pour une déesse, on dirait plus une pose de poissonnière de la place Saint-François à la grande époque ! Ou plutôt.. une pose virile… c’est ça, une pose virile. Et là, j’ai vu le visage barbu, les bras musclés, les articulations solides, le cou massif. Un homme dans un corps de femme ! Ou une femme avec une tête et des membres d’homme ! Bref, Mr. Diana.
Une idée lumineuse de l’artiste, Genco Gülan et une réalisation de qualité. Tout m’impressionne dans cette œuvre. Je suis à la fois fascinée par sa cohérence, admirative du talent technique du sculpteur et percutée profondément par l’impact sociétal qu’exprime Mr. Diana. Sculptée dans la tradition grecque avec son drapé aux plis mouvants qui souligne la poitrine, qui sublime la beauté classique de la silhouette, la statue cache son jeu… Genco Gülan a poussé le détail jusqu’à fabriquer l’absence d’une main, comme si elle avait été cassée et perdue, à ébrécher le nez, à faire un socle irrégulier pour donner l’impression d’une statue antique, abîmée par le temps. Le coup de burin est précis, la finesse de l’exécution implacable. On est dans l’Antiquité... si ce n’est la pose, actuelle, résolument masculine, la pose d’un homme accoudé au comptoir, droit et tranquille, un homme du peuple, un camionneur dans un bistrot routier, un gars sur un chantier, en complet décalage avec son corps ciselé de déesse et pourtant en totale harmonie.
Un homme-femme, une femme-homme qui nous observe, calme, serein.e, fort.e, qui nous bouscule, pacifique, convivial.e, amical.e, qui révèle l’absurdité de nos peurs devant les différences, la bêtise de nos haines intransigeantes. Comme une évidence, cet.te femme-homme, homme-femme à la chevelure joliment coiffée les abolit en silence par sa seule présence.
Une statue antique actuelle, pulvérisant les clivages, le sexisme, le genre, le temps, pour présenter un être humain, jute un être humain. Une statue tranquille qui interpelle, explose les codes de la soi-disant normalité pour libérer le point de rencontre où fondent les différences.
Je le-la-la-le trouve superbe et fier.e, Mr. Diana me transporte, me questionne, je l’aime…
Juste envie d’aller m’accouder au comptoir pour trinquer avec elle-lui-lui-elle, et l’écouter me raconter son histoire.
Une belle et bonne œuvre de vivre ensemble pour toute l’humanité.