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8 février 2024 4 08 /02 /février /2024 05:58
 
 
Dans les ruelles pavoisées des gens se promènent. Cette année, la fête des Mai est descendue de Cimiez jusqu’au Vieux-Nice. Guirlandes de papier multicolores, fanions, drapeaux, grandes cocardes fleuries se croisent d’un mur à l’autre au-dessus des passants. On se croirait dans un tableau de Dufy ! Une troupe de musiciens en habit traditionnel déambule dans les venelles, au son du fifre et du pétadou, suivie par une bande de gosses excités.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le joyeux cortège bifurque, emprunte un escalier qui monte au Château. Là-haut, sous les arbres, une vision merveilleuse, comme une Renaisssance. Trois ravissantes jeunes filles, trois grâces, à peine vêtues de voiles légers, dansent une ronde délicate sous des orangers. Deux autres jeunes femmes en robes longues les regardent. L’une d’elle jette des fleurs sous leur pieds. Un vrai Printemps ! Près d’elles, un jeune homme en tunique rouge cueille une orange.
 
Tiens, y a encore des oranges en mai, s’étonne le joueur de fifre... Tiens, il y a des orangers au Château, s’étonne le joueur de pétadou...
Ils s’étonnent encore plus quand ils voient, entre les arbres, un angelot, arc tendu, flèche pointée vers les danseuses mais ils n’ont pas le temps de s'y attarder. Une jeune fille, aussi dénudée que les danseuses, surgit en courant, poursuivie par un être sombre, à l’air féroce, un affreux qui l’attrape et l’entraîne. Dans un réflexe venu du fond des traditions niçoises, les musiciens entrent en action. Le fifre crie une longue note suraiguë qui vrille les oreilles pendant que le pétadou lâche son bruit de pet le plus tonitruant. Et ça marche ! L’horrible kidnappeur, affolé, s’enfuit illico. L’ange aussi. Trop bruyant par ici, vite, retour au calme du Paradis.
Les belles demoiselles, elles, reprennent leurs esprits, remercient de quelques baisers les musiciens qui les ont sauvées, et se joignent au cortège.
Le jeune homme préfère rester sous les orangers à se gaver d’oranges, surtout que ces dames semblent plus attirées par ces rustres mal fagotés et leur tintamarre criard que par lui, si beau ! Quelle époque !

 

Tout en s’amusant sur la musique sautillante, ce petit monde arrive au-dessus de la baie des Anges, où l’angelot a disparu. Ne reste que l’Angelus qui sonne à Sainte-Réparate. Le soleil en boule rouge comme une orange décline en laissant son empreinte impressionniste sur la mer. Deux pointus entrent dans la lumière chaude pour rejoindre le port.

 

 
 
Le soleil a plongé, la nuit s’avance en même temps qu’une jolie fille au visage vert éclairé par un cœur de néon.
– Je suis Nissa Bella, dit-elle, votre robot accompagnateur. Le Château va fermer, suivez-moi, j’éclairerai votre route de tout mon cœur joli pour vous ramener chez vous.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
C’est ainsi que s’achève cette journée de mai, sous la plume déjantée d’un gardien de musée qui s’ennuie. Faut bien passer le temps et les époques, de tableau en tableau… Un dernier coup d’œil aux salles, tout est en ordre. Le Mai à Nice de Dufy est à sa place, tous les personnages du Printemps de Boticcelli ont bien réintégré leur toile, le soleil de Monet reste bien une Impression au soleil levant, et pas couchant, ouf ! Nissa Bella de Raysse a éteint son cœur de néon pour la nuit. Il n’a rien dérangé avec ses élucubrations.
Le gardien ferme la porte du musée. Demain, il laissera vagabonder son imagination dans la salle des sculptures, un beau voyage en perspective.
 
 

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